" Je sais qu'il m'est souvent arrivé de souhaiter qu'il parle moins de violence, car ce n'est pas la violence qui va résoudre notre problème. Et avec ses litanies sur le désespoir du Noir qui excluent toute solution de rechange positive et imaginative, j'ai l'impression que Malcolm se rend à lui-même ainsi qu'à notre peuple un bien mauvais service. Les discours fougueux, démagogiques, qu'il prononce dans les ghettos noirs, pour presser les Noirs de s'armer, de se préparer à utiliser la violence, comme il le fait, ne pourront entraîner que des malheurs ".
Martin
Luther King au sujet de Malcolm X dans son autobiographie,
1964.
Afin
de dénoncer le discours de Malcolm X,
Martin Luther King use d'un champ
lexical particulièrement dépréciatif :
on trouve plusieurs
occurrences des termes « violence », « litanies » , « problème »,
« désespoir », « excluent », « démagogiques »,
« s'armer », « malheur » afin
de traduire le contre-courant qu’incarne Malcolm X. King
accentue sa
position et son jugement contraire à celui de Malcolm X à travers
l'usage du pronom possessif « notre » qui affirme
que les
noirs pâtiront
de la doctrine de Malcolm X. L'usage
du futur (« pourront ») à la dernière phrase porte
une valeur
prophétique tandis que le présent (« n'est »,
« excluent », « se rend ») est
de vérité générale. Ainsi, Martin
Luther King compte tenir un
meilleur discours que Malcolm X. L'adverbe
« bien », formant un oxymore avec
« mauvais »
vise à accentuer le
désaccord de
philosophies des deux
militants. En
effet, Malcolm
X prône
la violence en
réaction à la
violence dont
use la société blanche alors que Martin Luther King
prêche la non-violence et l'amour de son ennemi.
Ouverture du biopic Malcolm X réalisé par Spike Lee en 1992.
Cette première séquence du film laisse voir un drapeau américain se consumer, puis se transformer en X, traduisant ainsi le rejet de l'Amérique que prêche Malcolm X. Une Amérique qui ne fait pas vivre le rêve américain, mais le cauchemar américain à ses citoyens Noirs. Le discours s'appuie, durant sa première partie, de l'anaphore J'accuse ( anaphore créee par Zola, en 1898, à l'occasion de l'affaire Dreyfus ) qui accable l'homme Blanc d'être un assassin et un kidnappeur par deux fois, de semer le chaos, la destruction, d'être un voleur, un esclavagiste, un mangeur de porcs ( pratique prohibée en Islam. Malcolm X s'adresse aux adeptes musulmans de Nation of Islam en êtant lui-même musulman ) et d'être un ivrogne ( consommation d'alcool prohibée dans l'Islam ). Malcolm X interpelle son auditoire au moyen des pronoms personnels " vous " et " tu ", mais également en se prenant en exemple : je ne suis pas américain. Le Noir est victime de l'Amérique, n'a pas connu la démocratie mais l'hypocrisie. La vidéo amateur du lynchage d'un noir par des policiers fait également partie de la dénonciation de " l'homme Blanc " dans cet extrait.
I Have a dream, discours prononcé à l'occasion de la Marche sur Washington, Août 1964.
Au
contraire de Malcolm X, Martin Luther King préfère se projeter dans
l'avenir afin de donner de l'espoir aux
militants à l'aide de l'anaphore I
have a dream
: « J'ai
un rêve, que
mes quatre enfants habiteront un jour une nation où ils seront jugés
non pas par la couleur de leur peau, mais par le contenu de leur
caractère. » Les
points négatifs sont évoqués au travers de métaphores afin
d'adoucir l'image de la ségrégation pour ne pas attiser de
rancœur : « J'ai
un rêve, qu'un
jour même l'Etat du Mississippi, un
désert étouffant d'injustice et d'oppression,
sera transformé en un
oasis de liberté et de justice. »
Ici, Martin
Luther mêle métaphores et
antithèses (désert/injustice, oppression/liberté, injustice/liberté).
Enfin, le discours compte des
références religieuses
: « Il
est temps d'ouvrir les portes de l'opportunité à tous les enfants
de Dieu ", "
la gloire du Seigneur sera révélée », « prier
ensemble » qui
évoque une entité plus grande que les hommes et devant qui ils sont
petits et égaux.
Cette
opposition des philosophies des deux militants de la cause noire
s'est illustrée par des jets d'œufs de la part des militants
des Black
Muslims sur
Martin Luther King ce
qui ne les a pas empêché de se rencontrer à Washington en 1964.
Malcolm X, dont le père a été assassiné par des membres du Ku
Klux Klan,
dont la maison fut incendiée par la même organisation et dont la
grand-mère a été violée par un homme blanc, fut membre de la
pègre puis membre de Nation
of Islam (organisation
mêlant Islam au nationalisme noir). Il préfère répondre à la
violence par la violence en évoquant la loi du tallion plutôt
que la non-violence de Martin Luther King. Malcolm X tout comme
Martin Luther King est
tué par un extrémiste en 1965, non pas blanc
mais noir.
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